Du latin animare, donner de la vie.
Du latin, anima aussi, qui signifie souffle, âme, esprit. Un peu comme en grec, le mot Noûs, qui signifie aussi esprit, et qui semble précéder ce corps commun que forme ce drôle d’ensemble, ce « nous ». « Nous » serait donc un esprit, un souffle, une âme. « Nous » aurait donc, nous aurions donc, comme le disait Jacques Lecoq, un fond poétique commun. Et c’est précisément pour raviver ce fond poétique commun, pour le faire résonner au fil des spectacles, lectures, échanges avec le public, quel qu’il soit, public des théâtres et des collèges, et des maisons de retraites, et des centres pénitentiaires, c’est pour précisément « nous » rassembler que des compagnies comme la nôtre inventent, travaillent, écrivent, réfléchissent, créent pour donner du sens à notre présence à tous, « nous », vous et moi, eux et elles et moi, qui sont censés faire corps, de temps en temps, précisément autour d’une parole commune, un souffle de vie, un souffle dur ou joyeux, ou les deux à la fois, sans doute souvent oui les deux à la fois, parce que la vie est comme ça, âpre et légère, raide rêche et fluide et douce, obscure et pétillante. C’est sans doute pour cela, pour se sentir vivants, animés, plein d’ animation, que nous nous rassemblons au théâtre, au cinéma, dans les musées. Pour nous laisser traverser par l’esprit et par l’émotion : l’émotion qui est mouvement, du latin (encore, n’en déplaise à celles et ceux qui voudrait le jeter aux chiens, avec son frère le grec, et sa soeur la Princesse de Clèves), du latin donc, motio, qui signifie mouvement, frisson, trouble. Être tous ensemble et tout ensemble, bouleversé, ému donc, remué, se sentir pensant, et sentir en soi monter l’animation. On dit, n’est ce pas, d’un être charismatique, chaleureux, habité : il ou elle est animé(e). L’animation donc, ça n’est pas ce que certaines institutions servent aux compagnies comme argument-obstacle, sur le mode : « notre public a besoin d’animations, d’événements ». Non, l’animation, ça n’est pas du divertissement bon marché, ça n’est pas une sauce épaisse et écoeurante, et un peu méprisante pour son public. Non, l’animation, donc, c’est la cousine de l’enthousiasme, ce si joli mot qui fait friser le regard des spectateurs, qui leur redonne un peu de force, qui leur souffle la conviction qu’ils sont des êtres magnifiques, capables d’être transportés, capables de sentir frémir en eux un trésor, parfois un peu enfoui, un trésor commun à notre Nous, une exaltation de l’âme, une émotion extra-ordinaire.