Impressions de cette tournée, si impressionnante.
Les voir, eux, les regarder, tous. Accueillir cette vague de corps mutilés, des plus de jambes ou qui s’arrêtent hop, au dessous du genou, des plus de dents, plus du tout, ou une seule qui règne joyeusement au milieu d’un grand sourire, des sans pieds, un épais bandage entoure une fin de cheville devenue parfaitement ronde, empaquetée, des qui dorment, des qui se réveillent, des qui sourient, des qui s’absentent, des qui tombent de leurs fauteuils, des qui crient, des qui soupirent, des qui parlent. Tous, et si singuliers.
Et chaque fois, chaque fois, la surprise. La surprise, au coeur de ce marasme apparent, de ces regards que l’on croit creux, de ces douleurs, depuis cet endroit qui n’est plus tout à fait notre lieu commun et qui, pourtant, se retrouve dépassé, chaque fois, par l’humanité que nous partageons, au delà de tout. La surprise.
Ils et Elles se souviennent du film avec Adjani, « oh ça me fait bien plaisir d’y repenser ! vous m’l’avez réveillé ce souvenir, ça m’fait bien plaisir »,
Ils et Elles se demandent : « et Rodin, c’est à cause l’argent ? Il avait peur qu’elle le dépasse… Hélas, c’est bien fréquent. C’est la vie, n’est ce pas ? C’est aussi ça la vie… »
Elles s’insurgent : « mais tout de même, cette famille, cette famille qui l’enferme ! Trente ans ! Et vous voulez mon avis ? Elle n’était pas folle, non non. »
Il nous confie : « ma mère à moi, ma mère, a été comme ça, internée de force… Alors, merci pour le spectacle… J’étais avec elle pendant le spectacle, avec elle : merci… Merci. »
Ils et Elles à Elsa : « oh, votre musique, c’était très joli, très beau, très bien ».
Ils et Elles me regardent, et disent « ce doit être bien difficile pour vous de jouer ces textes ? Cette vie tragique ? ça doit laisser des traces en vous, non, mademoiselle ?.. »